Adieu, amis de ma jeunesse ! 

Chanson dédiée à Jean-Max Brua, Gilles Elbaz, Jean-Luc Juvin et Jean Vasca
                                                                                                                ...et à quelques autres







Ecoutez-moi bien, messieurs-dames
Spectateurs, bourgeois ébaubis
Amateurs d’émotion, de drames   
Pas par hasard entrés ici
Je vais vous parler sans mystère 
Si j’eus vraiment de bons amis 
Ce furent ces quatre compères      
 Voici l’histoire, les voici :

Je les ai connus hommes libres       
Une guitare à gouverner                                           
Un sandwich, une fille, un livre   
Des théories plein les trous de nez
Tout ce qui rêve et ce qui vibre      
De Rennes à St Germain-des-prés
O l’amitié, ô chanson vive                  
Et ah les cinq bons escholiers !                                            

Ah que les filles étaient belles          
Et que nous perdîmes du temps            
Au Navigator, chez Michèle             
Et nous eûmes bien nos trente ans !
On fait le con, on fait le pitre            
Mais voici la blessure nue    
La rayure sur la vitre               
La flèche qui monte aux nues                   

Mais vous étiez trop gais, trop tristes   
Trop dans les mots votre chanson          
Elitiste ! Intimiste !                               
I’ fait pas très radio ton son
Eh bien vous vécûtes sans gloire         
Sans journalistes, sans avions
A d’autres la trajectoire                      
La mangeoire, le pognon                             

Ainsi moururent mes poètes             
Ainsi vécurent mes amis      
On connaît ça depuis des siècles      
Et on s’en est toujours remis         
Les arts et lettres, la joncaille     
C’est pour les gagneurs pas les mous                            
Fausses révoltes, vraies canailles    
Ils auront tous roulé sur nous

Le rock and roll et la cam'lote          
Tout’ la quincaille et les bidons       
Ces vieillards fumant dans les chiottes  
La tête et la musique en plomb 
Et puis y’a eu le show biznesse         
Ah célébrons ce pur joyau
Un bulldozer, beaucoup d’finesse   
De la vaseline et des tuyaux

Attention, y’a pas qu’ le chaubise    
Y’a aussi le haut du panier
Y’a le vice après la bêtise       
Y’a les flics après les pompiers                                
La création subventionnable        
La Contemporanéité
Le Dérangeant, le Respectable      
Le Haut niveau, l’estampillé

Tandis qu’aux banquets du Ministre        
Ceux-là faisaient pipi en rond
Avec un entregent sinistre                 
Nous étions libres, nous mourions
Les budgets, toute la boustifaille      
Partagez-vous ça entre vous
Etouffez dans la charcutaille       
Bouffez-vous entre vous !
 
T’es trop coco Brua mon pote    
T’as qu’un seul accord mon Gillou  
Mon Juvinos t’éructes et rotes             
Vascounet redescend vers nous    
A nous l’éternelle jeunesse               
Qui parie tout, exigeant rien       
Sauf la dignité – quoi ? qu’est-ce ?      
Ce mot pas clair ? eh Tintin ! 

Vraiment j’crois pas qu’tu réalises !        
C’est pas très viril, chanter bien !      
I’ faudrait que tu t’électrises          
…Comme ça tu f’rais pt’êt’ moins chrétien...              
Les gars, la poilade est totale                 
Les mots, ah si on y croyait                          
A la parole ! A la  loyale !                
 ...Victoire de Johnny Halliday !                          
 
O amis, purs comme la fièvre   
Comme l’alcool, comme le froid         
Le renard amoureux du lièvre               
Le vent qui se lève, la joie      
Notre vie fut une jeunesse                    
Et bien plus d’âme et de passion                   
Que cett’ vioc sans dents et sans fesses :  
La mode, suivie d’ tous ses mich'tons

Adieu, amis de ma jeunesse                  
(Ah si nous nous sommes aimés !  
O frères, ô torrent d’eau claire               
Sur les rochers). Mourez jamais !
…Joue plus fort, toi, le pauvre type      
Le musicos’, le laborieux      
Sous-payé, oui, qu’est-ce qu’on y peut     
Nous les rien, nous les guitareux ?
 
Joue plus fort, surtout pas plus vite      
La tendresse te monte aux yeux   
Nous les rien, nous les guitareux        
C’est nous qu’on joue l’plus près des cieux
Joue plus fort, surtout pas plus vite      
T’en fais pas si ça traîne un peu      
Si on est un peu long, tant mieux             
Y’a qu’ l’amitié qui rend heureux                         
                   
 
                                    Adieu, amis de ma jeunesse            
                   
                                                                            - Ah si nous nous sommes aimés ! 



Ce qui reste, ce qui vient