Ballade du passant (Claude Semal)


 

Tes dents sont froides comme la neige
Enfoncées dans ma langue blessée
En allant de Marseille en Norvège
Qu’aurai-je fait d’autre que passer?
Je laisse la fenêtre entrouverte
Pour le chat et pour tous tes amis
Il y a du lait dans l’armoire verte
Et quelques tranches de pain de mie

Le bruit des trains est toujours le même
Quand il m’emmenait ici ou là
La bonne était toujours la prochaine
Désert de sel ou champ de lilas
Je te laisse un peu de ma salive
Mes lèvres sur ton ventre tremblant
Et plongé dans un seau de chaux vive
Mon coeur noué dans un mouchoir blanc

Tu sais le monde est partout le même
Certains bronzent quand les autres suent
Les uns mâchent des choux à la crème
Les autres du pain sans rien dessus
Faut-il serrer les poings et se battre
Pour tous ceux qui meurent en mai
Ou regarder les bûches dans l’âtre
Et chanter la tristesse d’aimer

Et tes dents froides comme la neige
Fondent très doucement pas pressées
Notre histoire fut belle mais n’ai-je
jamais rien fait d’autre que passer?
Tu finiras la chanson toi-même
Tu sais bien que mon temps est pesé
Voici l’air: il faut dire que je t’aime
Mais que je n’aurai fait que passer