Texture

10/12/2010

 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

Le chant, art majeur, porte haut la dignité de l’homme, la beauté du monde réel et rêvé, au-delà de la misère. Libérateur, il propage la «ferveur», mot qui clôt «Un homme», texte superbe célébrant la «bonté rebelle», qui n’est ni mièvrerie ni colère mais «lumière lente», intérieure, sur laquelle «toute violence s’use». «La bonté», « la mansuétude », « la candeur », mots provocateurs, explosifs dans notre « époque affolée », ivre de réussite factice et individuelle, implacable pour les rêveurs, les « nabots », les « estropiés », les loosers. « Un homme » dévoile peu à peu une figure paternelle, généreuse, détachée des vanités du monde, à laquelle « des grappes d’enfants s’accrochent ».

« Le passé ? »

Jacques Bertin n’est pas contemporain des traders et du cynisme ambiant. Il se situe ailleurs, dans le temps des mots et du chant, dans la fidélité à lui-même et aux siens, à ce «peuple en loques» dont il vient. Dans «Le passé ?» – le point d’interrogation est essentiel – «une sombre foule d’ancêtres» se met en marche dans un grand capharnaüm mêlant lieux et époques ; marée montante qui interpelle présent et avenir, bouscule le «petit homme en déguisement post-moderne» : «dégage ton âme en berne … – laisse-nous passer!»

Jacques Bertin interroge le passé, garde vivants ceux qui ont été « balayés … par l’Histoire », comme ces « curés rouges » abandonnés de tous, «vaincus pour rien», «brisés par la bêtise» et leur rend un bel hommage par ces vers chaleureux : «Mais il n’y a pas de christ à part vous, sur la terre!», «Mais vous avez trente ans toujours, dans ma mémoire,/ poignée de graines qui furent jetées des cieux!»

Du pays du cœur

Jacques Bertin est du pays du cœur, même et surtout si « les essieux des rêves cassés sur les chemins / pourrissent dans la boue ». Il reste l’amour : « mourir de toi, de vous, encore ! », l’amitié : «Ah, vieil ami, restons groupés, restons ensemble» et la fierté de dire « Nous n’avons pas failli au moins!» Il se situe bien dans la lignée des Cadou, Bérimont, Rousselot, ce dernier revendiquant une poésie «à hauteur d’homme» qu’il défendit toujours avec une exigence ombrageuse.

La Loire est là, aussi, qui relie les poètes d’hier à ceux d’aujourd’hui. Loire, femme multiple, mouvante, insaisissable : «femme libre – sois un hymne – pour les yeux».

 

Jean-Noël Guéno

http://revue-texture.fr/spip.php?article394





 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

Il ne fait «que des Chansons d'Homme».
C'est une voix grave : dans le registre et l'inquiétude, dans la gravité aussi que les enfants apportent au jeu, et dans la caresse attentive du poète.
Ce sont douze chansons vibrantes, lyriques : une pour chaque moi que nous sommes, que nous avons été ; une pour chaque portrait en apôtre de la vie vivace, tenace, de la foi en l'humain.
C'est un regard, généreux vers le dehors et chaleureux vers le dedans, qui réveille à fleur de peau et d'yeux toutes les ombres portées de beauté, de douleur et de rage. Et des blessures, enfin.
C'est une âme engagée à nous répéter notre fraternité, une âme persuadée que faire respirer cette émouvante fraternité dans son chant, sauve chacun comme on sauve un pays.
C'est un créateur exigeant le plus sincère de lui-même, donc de son auditeur, de son lecteur, de ses amis.
C'est un amoureux «Chargé par Dieu depuis toujours de célébrer tout le temps inutile»
Je m'y suis re-connu : «Un homme» m'a fait pleurer.?Alors merci Monsieur Jacques Bertin pour cette «bonté rebelle qui défie le malheur sans élever la voix».

 

Philippe Mathé





N° 109, septembre - octobre 2010

 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

Jacques Bertin, Comme un pays, 12 titres. Le fil rouge de cet album, dense et généreux, prolixe quoiqu'austère, pourrait être la mémoire d'un chanteur, d'un artiste, d'un amoureux des bords de Loire de Chalonnes, riche de son enfance et de ses engagements. A l'heure des premiers bilans, l'évocation du passé et la force des amitiés tissent ces tableaux où la musique se met au service du verbe. Les chansons de Jacques Bertin sont autant de traversées de paysages et de moments, de lectures évoquées, bref de chansons qui prennent leur temps. Avec, toujours, cet esprit de résistance aux modes. Des chansons d'homme, souligne au passage l'auteur compositeur, parmi lesquels s'illustrent celle d'un père et le souvenir de ces "curés rouges", figures d'une jeunesse fervente. Véritable hymne au temps qui reste et à la vie belle, apaisée mais vigilante. "Comme un pays" raconte une saison intérieure, celle de Bertin, suivant les accents sobres d'un piano ou d'un saxo sur des arrangements de Laurent Desmurs.

 

Robert-Frédéric Migliorini
Le Petit Format, La lettre d'information des adhérents du Centre de la chanson





webzine


août 2010

 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

Il y a chanson et chanson. Et on n’écoute pas Bertin comme on le ferait d’un autre artiste, plus ou moins distraitement. On l’accompagne sur ses portées, on se laisse emporter, presque main dans la main avec cet homme. Par lui on se penche sur soi, sur son passé et ses regrets, sur sa vie, sur ce qu’on est, sur le temps qui passe… Ce sont des ballades où chaque mot sait son exact poids. Où chaque syllabe est précieusement, respectueusement prononcée, l’intonation calculée, l’émotion évidente. D’autant plus que « le dernier acte est annoncé / Toutes les feuilles sont tombées / Voici l’hiver et le grand bateau va passer. » La Loire pour compagne fidèle, le havre d’une maison, l’amour et l’amitié, les livres (qui ornent tant la pochette que le livret, en des étagères dont le contenu est l’adn de l’artiste), tout est Bertin dans l’inspiration, dans les thématiques. Et la mort, plus présente encore. Si le chanteur, rare en scène, ne s’y accompagne qu’à la guitare, l’orchestration est ici autre, plus riche, jazz et guinguette, enjouée, comme contrepoint à beaucoup de mélancolie. Sans que ce soit évidence ou religion, le critique n’a que peu à redire d’un disque de Bertin, ni de celui-ci ni des précédents. La rareté des livraisons est largement compensée par des merveilles d’écriture, ces textes ciselés, précis, qui sont la marque de son petit artisanat, l’estampille d’un de nos plus grands auteurs interprètes. Comme un pays est son vingt-quatrième album, cinq ans après No surrender !, le précédent. Deux ans après Que faire ?, enregistrement public. Avec toujours Laurent Desmurs aux claviers comme aux arrangements, secondé de quelques autres musiciens. 

 

Michel Kemper




Le blog de Stéphane Guihéneuf


29 juin 2010

 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

Sur l’étagère, entre "Les cadets de Saumur" et "Les années déchirements", Jacques Bertin vient de poser douze nouveaux textes, douze nouvelles chansons, douze nouveaux poèmes, tant écriture et musique sont chez lui indissociable. Une bataille menée sans relâche, loin, bien loin, d’un show-biz qui l’ignore superbement. Comme Leprest, autre tricoteur de mots, le Rennais est confidentiel. Mais ô combien essentiel. N’en déplaisent à ceux qui ringardisent cet art qui, chez Bertin, ne souffre aucune concession.

Orchestration soignée, ce successeur attendu à "No Surrender !" s’ouvre superbement par une déclaration d’amour à "La Loire", fleuve sauvage qui l’accompagne dans ses pensées. Comme à son habitude, Jacques Bertin évoque la guerre, l’amitié ("Ah, vieil ami..."), la vie qui passe. Il parle d’amour, de livres et du pays. Ambiance jazzy ou piano bar, accordéon discret, phrasé reconnaissable et voix chaude, Jacques Bertin continue sans sourciller à marcher dans ce sillon tracé depuis quarante ans, défendant sans complexe une certaine idée de la culture, de la musique. Tel un Leclerc dont le Québec est si fier.

 

Stéphane Guihéneuf

Version longue de la chronique publiée dans Le Télégramme le 24 juin 2010

Stéphane Guihéneuf est journaliste au quotidien régional Le Télégramme



Le blog de Jean Théfaine
3 juin 2010

 

 

JACQUES BERTIN, “Comme un pays”

 

S’il est un artiste rare, dans tous les sens du terme, c’est bien Jacques Bertin. Formidable poète, il est aussi ignoré des médias qu’adulé par une diaspora d’admirateurs, dont je fais partie, que fascine son approche intransigeante de la chanson. Son premier album, c’était en 1967. Une vingtaine ont suivi. Le dernier, Que faire ?, c’était en 2007, un enregistrement public. Mais depuis 2005 et No surrender (“Pas de reddition”, tout un programme) Jacques Bertin n’était plus entré en studio. C’est fait avec Comme un pays. Douze chansons neuves mises en boîte en janvier dernier avec cinq complices, dont le fidèle Laurent Desmurs (piano/claviers) qui signe aussi les arrangements.

Plutôt que de me paraphraser, je reprends ici l’essentiel d’une chronique qui paraîtra début juillet dans le numéro 22 de la revue urbaine nantaise Place Publique. J’y écris que, pour parler des chansons de ce nouvel album, «des émotions qu’elles véhiculent, de l’éblouissement des mots qui les habitent, de leur force poétique exceptionnelle, de leur intemporalité à l’époque des modes en accéléré, de la voix si humaine de leur interprète, il faudrait d’autres outils que ceux dont use habituellement le chroniqueur. Surtout ne pas se lancer dans des comparaisons et des dépeçages, tant c’est le parcours entier de Bertin qui fait œuvre. Une œuvre magnétique et ample comme la Loire que Jacques célèbre si bien et qu’il a choisi de contempler à demeure depuis sa maison de Chalonnes. Une fois de plus, d’ailleurs, c’est le fleuve royal, « paysage des rois heureux», qui déploie ses boucles en ouverture du nouvel album. Rien, absolument rien, n’est à jeter dans ces “tableaux” ultrasensibles qui rêvent de la fin des errances, de chansons d’homme, de mâle mort, des amies/sœurs (une de ces lyriques psalmodies dont Bertin a le secret), de la vision à la guinguette d’une femme en robe blanche…

Mais sur le mode de la jeunesse envolée, de la nostalgie blessée, des rêves fracassés, des colères inextinguibles, qu’il explore comme nul autre, c’est dans trois textes que le grand Jacques touche particulièrement : Ah, vieil ami («Restons groupés, restons ensemble»), Le passé ? (« Un passé avec des ancêtres des ancêtres des ancêtres/une foule d’ancêtres montés d’infinis là-bas »), et le déchirant Curés rouges («C’était jadis… Et c’est pour toujours dans ma tête/C’était jadis et il ne reste rien de vous»). Attardez-vous un instant sur les illustrations de la pochette et du livret. Ces bouquins qui reposent de guingois, avec deux visages féminins, sur des rayonnages sont ceux de l’artiste et composent de lui une attachante esquisse de portrait. Comme un pays…

CD Comme un pays, 12 titres, 46’09. Velen/EMP-Socadisc.

 

Jean Théfaine

Longtemps journaliste au quotidien Ouest-France, Jean Théfaine collabore au magazine Chorus/les Cahiers de la Chanson, et à la revue nantaise Place Publique. Auteur d'une biographie d'Hubert-Félix Thiéfaine (Fayard/Chorus) et d'un livre sur Tri Yann (Tournon).

 



Sorties Vieux-Port N° 322
4 juin 2010

 

 

Chanson


A peine reçu, le dernier disque de Jacques Bertin suscite évidemment les exégèses des amoureux de la poésie chantée, en particulier de ceux qui suivent de près les publications de cet auteur-compositeur et interprète hors normes, hors codes, hors conventions dont le chroniqueur "chanson" jadis avisé d'un réputé quotidien du soir avait dit qu'il était "le plus grand chanteur français depuis Brel et Ferré"…


On disserte donc entre membres de la "secte" sur les mérites de ce nouvel opus de Bertin Jacques "Comme un pays", tout frais paru aux éditions Velen et distribué par EPM-Socadisc.


On dit qu'elle est belle la Loire par lui célébrée - "Loire bleue-Loire noire-lame d'acier" - et qu'il est beau son pays depuis toujours magnifié par son chant ; et sa lumière, et sa grandeur et sa misère, qu'ils sont beaux ! Les amitiés sont là, celle du vieil ami d'école, celle des amies-euh…, des sœurs - elles ont "leur chambre réservée" dans ses poèmes - et des autres femmes dont il attend une "mâle mort", lui qui dit ne faire "que des chansons d'homme". Il parle d'errances, rêve d'une maison "pour le peu de temps" qui lui reste, s'émeut des livres lus et qui enchantèrent ses nuits, exalte un passé pas si lointain, un passé noir et les "curés rouges jadis brisés par la bêtise" - "Heureux les cœurs purs !" - et, en dépit de tout, loue la bonté d'un homme, la bonté du père "dont on sent comme une onde se propager la ferveur". On dit, on se dit, que Jacques Bertin est là au sommet de son art de poète. "On a envie de le boxer, ose même un "adepte", pour cause d'abattement face au génie", c'est vous dire !


On s'oppose quand même sur les mélodies : adéquates aux texte, disent les uns ; un tantinet monocordes, soutiennent les autres qui les voudraient plus - comment dire ?... - "plurielles" même si elles ont été subtilement orchestrées pour cinq instrumentistes par l'excellent Laurent Desmurs. On s'accorde enfin sur la voix du chanteur dont les années n'ont en rien altéré la force ni la pureté de l'expression : voix solide et tranchante, et de fait inouïe car inaudible sur les radios cadenassées dans les conformismes du marché.


Evidemment, on n'entre pas dans ces chansons "comme dans un moulin" ; il faut mettre à leur écoute quelque recueillement. Et alors ! Vous avez quelque chose contre le recueillement ?

 

Jacques Bonnadier

Emission diffusée sur "Dialogue" les vendredi 4 juin 2010 à 13 h 07 et samedi 5 à 8 h, 13 h 07 et 18 h 15. "Dialogue" : 89.6 (Marseille) et 101.9 (Etang de Berre, Aix et Pays d'Aix) et sur Internet : www.radiodialogue.fr (où l'émission peut être écoutée et téléchargée durant deux semaines à partir du mardi suivant. Cliquer sur "podcast" : "Lumières et regards sur la ville"



16 mai 2010

 

 

La rédaction a écouté... Comme un pays

 

Chez lui, chaque mot compte. Et chaque chanson a fait l'objet de tant d'attentions. Une livraison de Jacques Bertin est une nouvelle invitation à aimer, comme lui, ces bords de Loire. Et à regarder le temps qui coule, comme dans le long lit sablonneux.

Le chanteur qui ne s'est jamais éloigné de son sillon parle encore si bien de l'amitié, de la jeunesse dont on ne guérit jamais, des sentiments qui fuient et de ces modestes toujours en quête de justice, comme avec ces Curés rouges. Jacques Bertin garde ce ton juste et le mot vrai.

 

Didier Gourin